Huit mois et une promesse pour demain

Je me souviens de ma réaction quand les portes de l'ascenseur s'étaient ouvertes. Il m'avait fallu deux secondes pour réaliser que c'était moi dans le reflet du miroir. Je n’avais jamais vu autant de fatigue, comme si mes yeux portaient soudainement tout le poids du monde. Il était 1h ou 2h du matin, les néons jaunes de l’hôpital éclairaient nos mines déconfites, on poussait mon fauteuil roulant pour monter enfin dans ma chambre, 12 heures après mon accouchement. A côté de moi roulait paisiblement le berceau. Après le chaos des machines et la détresse qui perçait à travers les lunettes de la sage-femme, il y avait elle, il y avait ma merveille. Ma fille. Neva. 
Elle était paisible et calme. Un bonbon rose dans cet océan de médicaments, de perfusions et de larmes.
Le calme était revenu et ma sérénité avec lui. Je me sentais bien, le pire était derrière nous. Il ne nous restait plus qu'à vivre, plus qu'à nous aimer. On s'était couchés, épuisés et reconnaissants.
Sa première nuit était une nuit complète. Minuit-6h00. Quand les rayons du soleil ont percé au petit matin, j'ai été submergée par la tendresse et l'étonnement. J'ai pensé très fort « elle est trop gentille, merci ma jolie poupée ».  Elle avait moins de 24 heures de vie, et je me n'étais pas trompée.
Elle a grandit, et si je me suis laissée aller dévoiler à quelques clichés, je ne vous avais pas encore dis qui elle était. A l'occasion de ses 8 mois, laissez-moi vous la présenter avec des mots, bien plus parlants que les photos. 

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Voilà ma princesse. T'as 8 mois. Pour le deuxième, il parait qu'on stresse moins, qu'on est plus cool. C'est sûrement vrai, avec toi c'est du gâteau, tout me semble facile, je me prends beaucoup moins la tête, d'ailleurs j'ai failli à la mission ultime du parent normal, je ne t'ai pas acheté de "livre de bébé", tu sais un livre dans lequel je relaterai tes exploits, marquerai des empreintes de pieds à un mois, et des anecdotes, tout ce qui fait que tu es toi. Du coup je t'écris ici.
Tu ris aux éclats, ne t'assois pas, adores les livres à toucher, commences sérieusement à discuter, attrapes tout ce que tu peux avec tes p'tits doigts, surtout ce que l'on ne veut pas, on est pas habitués ton frère le faisait jamais, tu as apporté le rose dans cette maison, et l'amour de la transgression. Tu dors la tête tournée sur le côté gauche. Parfois tu t’étires comme un chat et te cambre, ça fait rire ton père, moqueur et attendrit, il t’imite en t'appelant princesse, à cause de ta délicatesse. Tu ne pleures jamais, seulement quand tu as faim, là tu te transformes, c’est carrément une autre personne. Tu n’aime pas les purées de légumes fades, tu n’as commencé à manger vraiment quand j’ai proposé du couscous mixé ou du ragoût de petit pois. Tu es championne dans l’art de râler d’une manière totalement offusquée comme si on te faisait un affront terrible, sourcils froncés, regards scandalisés partout autour de toi, et moue adorable. Même quand tu pleures je fonds, tu sais comment m'avoir, t'es une maline ma fille d'amour, et même ça c'est beau à voir.
Tu as les mains les plus douces du monde et une odeur hors compétition. Je sais que les bébés ont la peau douce hein, mais toi c’est un autre level, c’est irrésistible, douces et chaudes, tu verrais ton père, il craque, ça dégouline d'amour, il dormirait contre toi rien que pour tenir tes petites mains "radiateurs" et sentir ton odeur, t'es une brioche, p'tit bébé, je te jure, on en mangerait. 
J’avoue, je joue un peu à la poupée avec toi, mais à ma sauce, tu sais. Maman est un peu bordélique, tes bodies sont jamais repassés, ta commode est soit impeccablement rangée avec 10 tenues d’avance bien entassées, soit en bazar total avec toutes les fringues jetées dans le tiroir à la volée. C’est ça quand on attend un bébé, c'est beau, soigné, on achète des fringues avec la hâte de l’habiller et une fois qu’elle est née les fringues n’ont plus d'importance, c'est elle qui les fait vivre. Et ce bloomer est bien dérisoire face à ton sourire.
Parlons-en tiens. Ton sourire c'est le lever du soleil. Tu es le bébé le plus souriant que je n’ai jamais rencontré. Ils t’appellent Madame Sourire, c’est ton surnom officiel à la crèche, et l’une de tes tatas t’a surnommée Happy FaceC’est au réveil, c’est à la sieste dans ton lit quand tu nous vois revenir pour tenter en vain de t'endormir, c’est dans ton bain, c'est quand tu rampes (oui tu rampes!) c’est à maman, à papa, la famille, les amis, les voisins, les étoiles, c’est ton sourire à la vie qui rend la notre si jolie.
Tu as horreur qu’on te nettoie les yeux et le nez, pas de bol ton canal lacrymal est bouché depuis que tu es née, on passe notre temps à t’essuyer l’œil et nous excuser.
Tu as toujours ce regard bleu océan, moi je parie qu’un jour ils seront verts, peut-être en grandissant. Un p'tit nez retroussé, la bouche de ton frère et de ton père, la peau blanche comme du lait, ah d’ailleurs le lait, t'es comme Aaron et moi, c’est pas ton truc, on a dit adieu au bib' du déjeuner et du goûter, et tu commences même à le boycotter au dîner.
Ton frère, tu l’aimes comme une folle. Il entre dans la pièce et ton visage s’illumine. J’ai beau être hormonalement équilibrée à nouveau, j’en pleurerai parfois tellement c’est beau. Tu ris devant lui comme jamais on n’arrive à te faire rire, juste avec ses bêtises, ses manières, ses cris et ses mises en scène, on entend ta voix un peu cassée partir dans un éclat. Et ça fait boum comme jamais, de vous voir comme ça.

Il y a 8 mois tu étais la plus sage quand j’étais la plus faible. Ils penseront ce qu’ils voudront, moi je le sais, entre nous c’est spécial. Cela fait 8 mois que notre belle histoire d’amour mère-fille a commencé et je ne pourrais plus imaginer une seconde sans toi à mes côtés. Mon petit bout de femme qui fait déjà pétiller la maison avec ses éclats de rires voilés. Tu nous rends dingue depuis 6 mois avec tes réveils-tétines nocturnes, on se lève comme des zombies, on marche dans le couloir encore ensommeillés plusieurs fois par nuits, rien n'est parfait, mais c'est bien ainsi
Aaron était notre univers, et sans jamais lui nuire, de la plus belle des manières, tu as pris une place dont on ignorait l'existence.
On a eu de la chance, de vivre en France, d’avoir ces médecins, et ces hôpitaux, ces gens pour encadrer ta naissance et nous permettre de rentrer chez nous pour t'admirer dans ton p'tit berceau. J'ai eu de la chance d'avoir eu comme préoccupation la couleur des murs de ta chambre et de la mélodie que je vais choisir pour ton mobile.
T'as de la chance parce qu'un jour tu auras le droit d’aller à l’école, apprendre la vie, l'amitié, la cour de récré, l’histoire du monde et de ton quartier, apprendre à souder un porte-clés, maudire le théorème de Thalès, réciter des poésies, peut-être même que tu auras une ou deux heures de colle dans ta vie.
Tu auras le droit d’aimer qui tu veux et d'emmerder les haineux. Tu auras le droit de vivre librement, faire carrière, porter des shorts en hiver, voter, avoir ou non un bébé, faire un piercing à la langue et des études supérieures, teindre tes cheveux en violet, et si ça en énerve certains, leur lever fièrement ton majeur. Les gens ne t'approuveront pas toujours mais tu en auras le droit, et c'est déjà ça. 
Parfois je te contemple en train de dormir, tu as tout l'avenir devant toi, dans le creux de tes petites mains radiateurs. Il y a cette innocence dans tes yeux, cette gentillesse dans ton rire. Ça me fait comme pour lui, une inquiétude soudaine, qui se déverse froidement dans mes veines, une vague de chaleur qui me picote les cheveux et une douleur qui me prend aux tripes. Je pense à eux, au monde, à ce qui pourrait se passer. Si seulement je pouvais vous mettre dans une bulle, si je pouvais faire en sorte qu'il ne vous arrive rien, jamais. Ça me ronge, ça me tord, c'est comme si on m'avait arraché le cœur pour le faire flotter dangereusement autour de moi depuis que vous avez respiré pour la première fois. J'ai donné la vie, je suis devenue vulnérable et invincible à la fois.
Je sais bien, au fond, que la bulle ne les protégerait pas plus eux que mon cœur trop exposé. Je sais qu'on est des privilégiés. Je sais qu'ils sont leur plus belle arme et que les munitions sont déjà là, quelque part, dans notre éducation. Mon fils est l'homme de demain, ma fille, une future femme. 

Allons, princesse de ma vie, votre jour est arrivé. 
Sache, un jour si tu me lis, que c'est vous, petits, qui êtes la clé.






Commentaires

Unknown a dit…
Ton article est magnifique, tu as les mots juste pour raconter ton histoire �� Tous cela donne envi d’etre une Maman !
Anonyme a dit…
Magnifique ton texte....
Vraiment....

Cath Erine
Une decembrette
Lucie a dit…
Dommage qu’il n’y ait plus souvent d’articles, j’aime te lire Delphine.